par Dan Williams et Jeffrey Heller
JERUSALEM (Reuters) – L’ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon, qui était depuis huit ans plongé dans le coma à la suite d’une attaque cérébrale l’ayant terrassé au faîte de sa puissance, a succombé samedi à l’âge de 85 ans.
Sur les champs de bataille puis dans l’arène politique, peu de responsables contemporains auront laissé une empreinte aussi profonde que la sienne sur le Proche-Orient.
Ce natif de la Palestine du mandat britannique aura contribué à remodeler la région à coups d’interventions militaires et de colonisation juive sur des terres occupées mais aussi par un retrait spectaculaire de la bande de Gaza en 2005.
Son élection à la tête du gouvernement israélien en 2001 avait couronné la carrière politique et militaire bien remplie, mais passablement controversée, de cet ancien général, baroudeur et longtemps considéré comme le prototype du « faucon ».
A l’époque, Ariel Sharon est aux yeux des uns un héros, celui de la guerre du Kippour en 1973, et de l’avis des autres un boucher, celui des Palestiniens au Liban, près de dix ans plus tard.
Surnommé « Arik » par ses admirateurs, le « bulldozer » de la politique israélienne n’a jamais laissé indifférent, que ce soit en Israël, dans le monde arabe ou en Occident.
Au gouvernement, comme auparavant au sein de l’armée où il n’a cessé depuis l’âge de 17 ans de combattre physiquement l’ennemi arabe dès la création d’Israël en 1948, son nationalisme, son franc-parler, sa poigne, voire son absence de scrupules, ont contribué à forger l’image sécuritaire qui lui a valu d’accéder à la tête du pays.
« C’est lui qui a établi le principe selon lequel aucune personne ayant attaqué nos soldats ou nos civils ne sera en sécurité, où qu’elle soit », rappelait l’ancien ministre de la Défense Yitzhak Mordechai.
« S’EMPARER DE TOUTES LES COLLINES POSSIBLES »
C’est donc la sécurité que plébiscita en 2001 une majorité d’Israéliens, après plus de quatre mois d’une intifada meurtrière qu’il avait lui-même contribué à déclencher par une visite sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem, que les juifs appellent mont du Temple.
C’est aussi le patriarche rassurant, le « grand-père serein aux cheveux blancs », dont il avait réussi à faire passer l’image dans ses spots électoraux, que vinrent chercher les électeurs après vingt mois d’efforts de paix frustrants.
Quatre ans plus tard, juste avant d’être frappé par la maladie en janvier 2006, il crée la surprise en claquant la porte du Likoud, son parti conservateur opposé au retrait israélien de la bande de Gaza, pour fonder une formation centriste, Kadima.
Ce retrait de Gaza peut paraître surprenant de la part d’un homme, qui, alors qu’il était ministre des Affaires étrangères en 1998, avait exhorté les colons de Cisjordanie à « s’emparer de toutes les collines possibles pour étendre les implantations, car tout ce que l’on prend maintenant restera à nous ».
Mais à ses yeux, le retrait de Gaza doit permettre à Israël de renforcer son emprise sur des « territoires indispensables à notre existence », autrement dit la Cisjordanie, où son gouvernement a lancé la construction d’un mur de sécurité tracé de manière unilatérale.
La carrière politique d’Ariel Sharon commence vraiment après la guerre du Kippour, qui marque le summum de sa gloire militaire. Le général a gagné à la tête des chars israéliens la rive africaine du canal de Suez afin de prendre à revers les forces égyptiennes.
Auréolé de son image de héros militaire, il fait irruption en politique, contribue à la création du Likoud et occupe successivement les portefeuilles de l’Industrie, de la Défense, de l’Habitat, des Infrastructures nationales et des Affaires étrangères.
C’est en tant que ministre de la Défense qu’il entraîne Tsahal en 1982 dans l’aventure libanaise, dont Israël ne se sortira que bien des années plus tard.
« TOUTES LES FACETTES DE LA GUERRE »
A l’époque, il s’agit de chasser les Palestiniens de Beyrouth. Les troupes de Sharon laisseront les miliciens chrétiens libanais massacrer des centaines de réfugiés palestiniens dans les camps de Sabra et de Chatila.
L’année suivante, une commission d’enquête israélienne, la commission Kahane, citera Sharon comme l’un des responsables de ces massacres, qui lui valent dans le camp arabe le surnom de « boucher de Beyrouth ».
Il est contraint à une démission infamante qui aurait sonné le glas de la carrière politique de tout autre que lui.
Durant la campagne électorale de 2001, c’est au contraire avec succès que Sharon explique à ses concitoyens qu’il est le mieux placé pour comprendre les aspirations des Israéliens à la paix, précisément parce qu’il a connu la guerre.
« J’ai vu toutes les facettes de la guerre. J’ai participé à ses aspects les plus complexes. J’ai vu des amis perdre la vie. J’ai été blessé deux fois. J’ai pris des décisions de vie et de mort », dit-il.
« Aussi suis-je particulièrement sensible à l’importance de la paix, d’une paix qui doit offrir la sécurité aux Juifs dans leur pays. Il doit s’agir d’une paix pour les générations à venir. »
Pour Uzi Benziman, auteur de « Sharon : un César israélien », « quelle que soit la vérité (sur les motivations du retrait de Gaza), personne ne peut nier que l’héritage de Sharon a consisté à faire comprendre aux Israéliens que s’accrocher à l’ensemble des territoires (palestiniens) ne pourrait pas représenter une solution durable ».
« Il était le dernier des vrais dirigeants », juge-t-il.
Ariel Sharon a été marié deux fois. Sa première épouse, Margalit, est décédée dans un accident de voiture en 1962. Leur seul fils est mort en 1967, tué accidentellement par un ami jouant avec un fusil. En 1963, Ariel Sharon a épousé la soeur de Margalit, Lily, décédée d’un cancer en 2000. Ils ont eu deux fils.
Bertrand Boucey pour le service français, édité par Gilles Trequesser
Source Article from http://fr.news.yahoo.com/ariel-sharon-chef-guerre-et-quot-bulldozer-quot-134754868.html
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